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Accompagner la transition éducative (1) : quel chemin ai-je moi-même parcouru ?


J’ai parlé dans un post facebook, sur le groupe des créateurs d’écoles, de la « nécessité d’accompagner la transition éducative », et j’ai promis d’écrire quelque chose de plus développé à ce sujet. Le voici, en plusieurs parties !


[Je remets ici les échanges facebook :]

« Delphine (à propos des plus grosses difficultés rencontrées pour réussir à créer une école) :

- Accompagner la transition éducative : souvent, sur le papier, les partenaires / parents adorent le projet. Mais quand il faut passer aux actes, vivre cette réalité, c'est parfois violent pour certains, qui renvoient à leur tour cette violence sur l'école, l'enseignant-e, la direction... Prévoir cet accompagnement est très important.

Stéphanie : Delphine, je ne suis pas sûre de saisir ce que tu veux dire dans la partie "accompagner la transition éducative" et notamment le fait que certaines personnes renvoient de la violence ?

Delphine : Dans notre vécu (et je sais que cela s'est aussi passé dans bien d'autres écoles), certains parents (je dis bien certains parents) sont venus à nos écoles car leurs enfants étaient en souffrance dans le système traditionnel. A la lecture de nos projets, ils étaient enchantés, car nous parlions de visions, de fonctionnements quelque part idéaux.

Ils se projetaient avec un résultat immédiat, un effet baguette magique. Or dans la réalité, leurs enfants sont passés par des étapes parfois difficiles (ils doivent parfois tout déprogrammer !), ou au contraire ils adhéraient totalement au fonctionnement de l'école et remettaient des choses en question à la maison ; ou alors quand on leur permet d'être totalement eux-mêmes, cela ne correspond pas au fantasme plus ou moins inconscient du parent.

Même s'ils ont été prévenus de cela par des mots, le vivre peut parfois être ultra violent pour certains parents, qui n'ont pas la possibilité, la capacité, le savoir-faire de se remettre en question, de demander de l'aide, de simplement parler de leurs difficultés, etc.

Ils cristallisent alors sur l'enseignant-e, ou l'association, ou la direction... Tout est la faute de l'Autre. Et ils renvoient de la violence à la hauteur de ce qu'ils vivent intérieurement. On a vu un papa entrer dans une école et menacer l'enseignante, on a vu une trésorière se servir dans la caisse avant de démissionner, on a vu des parents tenter de monter tous les autres parents contre l'enseignante, et sûrement plein d'autres choses très difficiles à vivre, qui mettent parfois en péril l'école elle-même. »


Qu’est-ce que j’appelle la transition éducative ?

C’est tout simplement passer d’un fonctionnement éducatif à un autre. Voire d’un paradigme (= une représentation du monde) à un autre !

Car il ne faut pas oublier que pour la plupart d’entre nous, nous venons d’un système éducatif traditionnel, (que ce soit dans les écoles que nous avons connues ou dans nos familles).


Sur le papier, cela paraît tellement simple ! Les projets d’école, sur papier, sont tellement beaux, attirants, on rêve tellement d’être déjà dans l’idéal de ce qu’ils proposent !

Mais…

En fait non, cela ne se fait pas tout seul, loin de là !


Je vous propose quelques balises, quelques repères, que je développerai sur plusieurs posts.

  1. Quel chemin ai-je parcouru pour en arriver à proposer ce projet ?

  2. Que mettons-nous derrière les mots ?

  3. Si ce que je propose est un idéal, par quelles étapes allons-nous passer pour y parvenir ?

  4. L’école certes, mais à la maison…



1. Quel chemin ai-je parcouru pour en arriver à proposer ce projet ?

Je pense que faire ce travail de retour sur soi et sur son propre chemin est ultra important. Son chemin, on le livre souvent aux autres pour expliquer, dans les rencontres ou les interviews : j’ai fait ci, je viens de là, j’ai vécu ci, j’ai pris conscience de ça…etc.


Je vous propose ici de refaire cet exercice, un peu différemment.

Reprenez votre parcours, et tout ce qui vous a amené·e à ce projet : vos vécus et expériences heureux ou douloureux, en tant qu’enfant, en tant qu’adulte, vos prises de conscience, vos expériences…etc. Reprenez tout cela, tous vos éléments, quels qu’ils soient : tout ce qui constitue votre chemin.

Ensuite, mettez les dates. Notez en face de chaque élément la date correspondante.

Puis mesurez. Mesurez, pour vous-même, le temps qu’il vous aura fallu pour mûrir, à l’aune de tous vos éléments, votre projet, votre posture. Mesurez également s’il y a eu des accélérations, des ralentissements, des pauses.


Tout cela se compte probablement en années.

Vous avez eu besoin de tout ce temps-là, de toutes ces expériences pour en arriver où vous êtes aujourd’hui. Et vous allez continuer encore chaque jour à avancer.


Pourquoi mesurer la temporalité de mon chemin ?


1) Tout d’abord, pour avoir toujours en tête, lorsque que vous rencontrerez qui que ce soit, qu’avant de pouvoir être sur votre chemin à vos côtés, sereinement, cette personne va avoir besoin elle aussi de passer par bien des étapes. Et ce ne sera peut-être pas pour tout de suite malgré son apparent enthousiasme.


Pour ma part j’ai constaté qu’à chacune de mes rencontres d’une personne n’ayant quasiment jamais entendu parler d’école alternative, la personne (si elle était intéressée !) me parlait systématiquement de son vécu scolaire à elle. J’ai passé des heures à écouter mes interlocuteurs parler de leur enfance, de leurs souffrances, de leurs traumatismes !

Alors attention, c’est une très bonne accroche, elle est même fondamentale dirais-je. Mais ayez toujours en tête que cela ne signifie pas que la personne va passer à l’action pour inscrire son enfant / vous soutenir / vous donner de l’argent. Non, tout reste à faire, vous avez juste levé le premier bouchon.


2) Ensuite, pour garder en tête les étapes par lesquelles votre interlocuteur, s’il devient un partenaire (parent, financier, politique) risque de passer. C’est souvent un grand bouleversement intérieur que de remettre en question l’éducation que l’on a reçue.

Vous aurez repéré pour vous le temps dans vous avez eu besoin, les étapes par lesquelles vous êtes passées, tout ce qui a nourri vos réflexions : il y a de grandes chances que votre interlocuteur aie aussi besoin de temps, qu’il puisse avancer, puis reculer, etc, etc. Si vous gardez en tête que tout cela est normal, vous ne réagirez pas de la même façon et serez plus à même de l’accompagner.


3) Enfin, vous saurez ainsi mieux reconnaître les personnes sur lesquelles vous allez pouvoir compter, vraiment. Par expérience, ce sont celles qui ont déjà fait un sacré bout de chemin elles-aussi. Celles qui ont compris que rien n’est jamais simple sur ce chemin, qu’il nous arrive quotidiennement de douter, que notre pédagogie est même basée sur ce doute, que c’est inconfortable, fatigant, que nous allons parfois vers des vents contraires, que nos enfants feront leurs propres choix, qui viendront parfois nous heurter, mais que nous avons décidé une bonne fois pour toute de leur faire confiance, même si parfois , bon sang de bon sang qu’est-ce qu’on aimerait que ce soit plus simple !

Vous saurez les reconnaître, et surtout mieux les distinguer de ceux qui mettront parfois une énergie, un temps, de l’argent considérable à vous aider dans la création de l’école. Mais pour de mauvaises raisons. Juste parce qu’ils veulent un remède miracle, une baguette magique pour leur enfant en souffrance dans le système traditionnel (ou parfois juste dans leur système familial...).

Mais qui une fois confrontés à la réalité de ce que signifie un nouveau paradigme éducatif, ne pourront pas le supporter : parce que cela remet trop de choses d’eux-mêmes en question. Ils déploieront alors autant de force à vous détruire, vous, l’école, tout ce qui passe, qu’ils en ont mis à vous aider à la construire.



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